Chers amis,
Quand j'ai été élu, grâce à votre confiance, à la présidence du Comité du Film Ethnographique, je m'étais donné un an pour comprendre quelque chose qui me semblait très important : est-il possible que cette association, fruit d'un héritage très fort et dotée d'une culture vraiment originale avec ses bons et ses mauvais cotés, s'engage vers d'autres perspectives et imagine ainsi son avenir.
J'ai précisé cette nouvelle orientation en exergue du catalogue du 30e Festival Jean Rouch avec un intitulé qui sonnait comme un pari pour la stratégie de notre association : "D'une histoire, un avenir". Trouver nos forces dans les leçons de ces trente ans car il s'agit bien maintenant de faire autre chose comme nous le proposons avec Nadine Wanono dans le programme "Narrativité singulières" c'est à dire favoriser les échanges dynamiques entre Sciences sociales, cinéma, arts et numérique autour de cette question fondamentale, comment associer les savoirs et la vie, comment saisir le sujet dans son mouvement incessant pour comprendre le monde et agir sur lui. La pleine réussite de cette manifestation au Cube à Issy les Moulineaux, la nature du public, jeune et très concerné, producteur et non pas consommateur, nous montre à l'évidence que nous sommes dans la bonne voie.
J'ai ainsi voulu tracer une voie, l'ouvrir au débat le plus large considérant que l'appel, trop souvent incantatoire, à l'héritage magnifique qui est le nôtre, loin de nous conduire à vivre les mêmes libertés d'être et de création, contribue à mésestimer, tout au contraire, les ferments nés des expressions les plus contemporaines dans le domaine de l'image et du son et qui s'inscrivent bien évidemment dans la continuité de cet héritage. Mon implication personnelle et passionnée dans la réussite du Festival aux cotés de l'équipe très active chargée de son organisation allait dans ce sens, se prêter à toutes les explorations intellectuelles, artistiques, scientifiques et non pas seulement se contenter des acquis, même les plus riches.
Mais voilà, à vouloir mettre en place une nouvelle politique, je me suis heurté aux blocages structurels internes à notre association nés d'une situation historique de monopole qui interdit de fait toute évolution et qui aboutit en guise de stratégie à une politique clientéliste au jour le jour et à courte vue ; à une véritable fuite en avant pour la recherche de moyens budgétaires destinés, pour une large part, à financer des frais récurrents importants ce qui pose la question de notre liberté d'action alors que n'apparaît pas de solution à court terme pour ce problème.
J'ajouterais que je n'étais pas sûr dans ces conditions, de pouvoir garantir, ce qui est également mon rôle, une bonne santé démocratique indispensable au fonctionnement de notre association.
Alors, et paradoxalement, pour ne pas trahir votre confiance, je me suis dit que j'allais continuer ailleurs à poursuivre ces mêmes orientations, avec ceux qui partagent les mêmes préoccupations, dans un esprit de convivialité et de transparence puisque pour moi la manière de faire est bien toujours dans la prolongation de ce que nous faisons.
En conséquence, ce jour, le 5 décembre 2011 à 14 H 30, je démissionne comme président du Comité du Film Ethnographique.
Jacques Lombard
Anthropologue et cinéaste
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