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Les Batraciens s'en vont

  • Les Batraciens s'en vont
Genre : Représentation

Du jeudi 07 au dimanche 10 décembre 2006

Horaires : 00:00
Rubrique : Danse

Chorégraphie et interprétation Bernardo Montet (solo)
avec Richard Move (chanteur travesti new-yorkais), Noma Omran (chanteuse syrienne), Pascal Maupeu (guitariste), Hugues Vincent (violoncelliste)

Ce titre situe la nouvelle pièce de Bernardo Montet du côté des origines. Mais puisque notre identité descend de cet immémorial point de départ, il faut considérer tout ce que le chemin recèle d'indiscernable, d'indéterminable. Ainsi Bernardo Montet fouille-t-il toujours la notion de l'identité. Mais après l'avoir tant saisie, avec brio, du côté de l'ethnique et du sacré, c'est à présent vers le trouble des identités de genre (masculin/féminin) qu'il se tourne. Sur scène, il côtoie le grand travesti new-yorkais Richard Move, "plus femme que femme, parce qu'il ne l'est que par son libre choix de désirer l'être". Outre ce maître de la provocation et de l'invention de soi, Bernardo Montet a invité la chanteuse syrienne Noma Omran, grande spécialiste du maqqam. Son chant ancestral débouche sur l'expérimentation contemporaine, questionnant l'émergence du langage dans l'organicité du souffle. Dans ce qu'il nomme un "solo à plusieurs", Bernardo Montet offre sa peau redoublée d'une superbe dentelle, où sa danse ne le constitue qu'au regard des figures multiples, complexes et fascinantes, qui l'accompagnent.

Bernardo Montet annonce que sa nouvelle pièce sera un solo. Il marque une pause.
Esquisse un sourire. Précise : "Mais ce sera un solo à cinq…" On s'étonne. On aimerait croire qu'un solo ne saurait se conjuguer qu'à la première personne du singulier, vigoureusement resserré sur l'unicité du sujet. Ce serait tellement simple. Il n'en est rien. Un solo ne se conçoit qu'au miroir des altérités qui le peuplent. Un solo, c'est à plusieurs.
Voici une décennie que la danse de Bernardo Montet travaille en profondeur la notion d'identité ; qu'elle la révèle essentiellement métisse, à un croisement instable de relations multiples. Il peut conclure: "La détermination d'une origine ne peut exister qu'en rêve.
L'identité est trouble. Il faut l'envisager comme une configuration. Si j'établis qu'il y aurait l'intérieur d'une part, l'extérieur d'autre part, alors ce n'est pas du côté de l'intérieur qu'il faut inscrire l'identité, et à l'extérieur la différence. C'est en fait dans la peau – qui unifie et qui sépare –, dans cette superficie reliée qu'est contenue la différence". Par là, profondément, ces questions deviennent des questions de danse : "Le danseur ne peut que se situer dans ce trouble", au coeur duquel Bernardo Montet cultive la figure du chaman, comme cet être qui serait race en soi, "apte à la traversée du temps et de l'espace, des appartenances ethniques, territoriales, sexuelles aussi".

Richard Move, un performer new-yorkais
Sexuelles aussi ? Qui entoure donc le chorégraphe pour composer son solo mosaïque ? Deux musiciens : le guitariste Pascal Maupeu et le violoncelliste Hugues Vincent. Une chanteuse, Noma Omran. Et un travesti, Richard Move. À travers la présence de ce dernier, Bernardo Montet s'approche, plus que jamais, des questions de genre (féminin/masculin) : "Sur ce plan, l'identité se joue sur un terrain directement sensible. Cela me libère, après avoir tellement travaillé sur des identités où tu passes ton temps à nommer et à étiqueter le blanc, le noir, le territoire, l'étranger".
Richard Move est un performer new-yorkais.
Par talent et par formation, il se rattache tout autant à la figure du comédien et du danseur professionnel programmé dans les grands festivals (il a gagné une réputation internationale avec son incarnation fort savante du personnage de Martha Graham), qu'à celle du travesti déchaîné sur les plateaux de cabaret, voire de discothèques. Dans les années 80- 90, cerné par le sida, le mouvement dragqueen a bouleversé la figure empoussiérée du travestisme d'imitation. Il suffit d'observer un instant Richard Move dans le studio de répétition au côté de Bernardo Montet : de taille géante, il émerge avec d'amples gestes d'observation lointaine, et chaloupe, monumental, sur un unique talon aiguille. Le moindre de ses pas incarne le projet d'une libre invention de soi. Et ce projet est politique : "Richard Move est plus femme que femme, parce qu'il ne l'est que par son libre choix de désirer l'être, apprécie Bernardo Montet. Il fait partie de ces êtres qui se mettent résolument à côté d'un choix qui nous emprisonne ; ils constituent ainsi des pôles de résistance et de lucidité."

L'ancestral maqâm syriaque, dont Noma Omran est l'une des grandes spécialistes
Richard Move peut aussi déchaîner un ouragan provocateur de mots, dans une tradition de cabaret politique, où se bousculent les adresses grinçantes aux juifs, aux chrétiens, aux musulmans, aux terroristes, aux gays, aux hétéros, etc. Étrange plateau de danse, que celui qui fait cohabiter cet accent gay new-yorkais actuel, avec le chant modal de l'ancestral maqâm syriaque, dont Noma Omran est l'une des grandes spécialistes.
Aux côtés des musiciens et de Bernardo Montet, cette grande dame du Proche-Orient, confondante de maîtrise, recherche à un endroit où le souffle profond organique transmute en chant, et paraît commencer d'inventer le mot. Entre l'oral et l'écrit, entre le fixe et le non-fixe, il y a là une zone de transitions fascinante, où s'ébroue, encore chancelante, une identité humaine qui articule le langage sur les mouvements organiques. Aussi bien, Noma Omran y puise certains accents expérimentaux parmi les plus contemporains.
Affronter l'origine, pour la relativiser
On l'a compris : puisqu'elle touche au sexe de la danse, cette pièce de Bernardo Montet ne peut que questionner la valeur performative du langage. Son titre remonte très loin dans le flou des origines : Les batraciens s'en vont. En terme d'évolution, c'est de là que nous venons. Mais alors, combien est incertain le chemin, dans "une zone d'indiscernabilité…, d'indécidabilité"! Sur le plateau de répétition, Bernardo Montet est vêtu d'une fragile et précieuse tunique de dentelles quasi transparente. Cette seconde peau, extrêmement féminine, tamise sa morphologie farouchement masculine. Sa danse de doutes paraît en flottaison, circulation suspendue entre proximité du sol, et quête au plus près du souffle de la chanteuse, au plus droit de l'icône du travesti. "Sur un plateau, l'image est tout de suite donnée, explique-t-il.
Il ne s'agit donc pas de créer l'image, mais de la traverser." Il ne se constitue qu'au regard des identités complexes qu'il a ici convoquées, avec leurs jeux de désignations immémoriales : "Je voudrais affronter l'origine, pour la relativiser. Mais alors il faut assumer de ne pas avoir de dos".

Gérard Mayen

Renseignements / Lieu


( 2006-12-07 00:00:00 > 2006-12-10 00:00:00 )
31 rue des Abbesses
Paris ( 75018 )
France




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